Shahryar Nashat
(dalle), 2007
Artiste
Shahryar Nashat
de titre
(dalle)
Année de création
2007
Technologie et durée
Vidéo Betacam, 9'40 min.
Année d'acquisition
2011
Acquisition de la fondation
Le fait que ce ne soit pas Glenn Gould mais une stèle qui attire l'attention de Shahryar Nashat est une des conditions qui permet de parler d'art et non de culture. Le pianiste Glenn Gould était certes un grand artiste. Plusieurs décennies après sa mort en 1982, ses enregistrements font désormais partie du célèbre canon ; Aujourd’hui, on peut les acheter dans tous les grands magasins culturels du monde. La commémoration que Shahryar Nashat nous invite à faire avec une stèle, en revanche, s'adresse davantage et bien évidemment au caché.
Les 15 et 16 mai 1979, Gould enregistre la Toccata en do mineur de Johann Sebastian Bach à l'Auditorium Eaton de sa ville natale de Toronto ; et c'est ce jeu de piano qui ouvre la vidéo Plaque et l'accompagne pendant 5 minutes et 7 secondes. Les premières images que nous voyons dans cette période montrent le pianiste dans un studio spacieux de la chaîne de télévision CBS. Il est assis devant un piano à queue Steinway dans un costume noir avec une pochette de costume blanche. Dans une séquence de 64 photographies en noir et blanc, le regard est lentement attiré vers le décor de scène, qui ne vole pas la vedette à Glenn Gould, mais qui, contrairement aux attentes, devient le protagoniste du deuxième chapitre de Plaque. Ce sont des stèles en marbre, du moins en apparence, qui dominent le pianiste comme des géants silencieux. Ils placent son corps penché sur le piano et, comme toujours, sur un tabouret aux pieds garnis, dans ses confins fragiles. Dans le deuxième chapitre de la vidéo, nous nous retrouvons dans un hall d'usine où deux hommes reproduisent des stèles. D'ailleurs, nous sommes assis sur un banc qui - Cast in the Same Vein - reprend les veines du marbre et nous élève comme un piédestal vers une œuvre d'art qui, comme nous le savons tous, n'émerge que dans l'œil du spectateur.
Le coulis de béton s'écoule dans un moule recouvert de treillis d'acier ; avant de sécher, les hommes travaillent manuellement sur le béton avec des pelles, des tuyaux et des éponges jusqu'à ce que la surface ne présente plus de fissures ni de pores. La stèle en béton s'érige lentement à la fin de la vidéo ; elle est une réplique parfaite du décor et en même temps un geste phallique. Mais l’imitation, la mimesis, ce principe de toute chose artistique exalté et en même temps diabolisé par Platon, doit céder la place au regard de la caméra. Au fur et à mesure que la production avance, elle palpe, oui, tendrement, la boue, les tuyaux et les corps des ouvriers. Elle recherche la peau nue qui apparaît sous la combinaison derrière la pelle, les bras musclés, les traits du visage frappants, les mains fines et les yeux brillants dans lesquels on découvre presque quelque chose comme un amour pour le métier. Le brutalisme est en fait suivi sur les traces d'Eros. « Parler du camp, c’est donc le trahir », écrit Susan Sontag, et elle trouve pourtant une règle qui s’applique aux méandres de Shahryar Nashat entre objet et corps : « Le goût du camp est une sorte d’amour…. Profitez-en […] au lieu de porter des jugements à ce sujet.
»